11.06.2015

Haïku de route-86/ Le bar de l'Acropolis




















Un ours empaillé. Un faux ou un vrai. C'est déjà plus petit ici, plus engoncé et la lumière. Dans l'autre, Le Yosemite Trading, l'ambiance était orange de bois trop verni, ici c'est blanc comme d'un blanc suffisant. Je regarde encore. Je refais le tour. Mais les cadeau ne se réfléchissent pas, comme les souvenirs d'ailleurs. Mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir être sûr d'avoir bien vu et bien senti et bien hésité. Je m'arrête devant l'ours. S'il est vrai, il était vivant et mis là, debout alors qu'on ne meurt pas debout. Etre empaillé, c'est resté mort de manière bizzare. Je salue et sors et je marche un peu. Mais pas trop. Il reste encore des millions d'années pour cela. Le printemps tiède, l'asphalte de la 395 et les maisons basses de planches vernies ou peintes parfois en rouge érable. Je n'achèterai rien ici, ce serait comme des cadeaux tièdes. Avec ma femme on marche parfois la main dans la main, j'imagine que je marche avec elle, la main dans la main pourtant je n'ai jamais aimé ça, même si avant elle, je ne faisais jamais ça ou à contre coeur. Avec elle c'était la première fois, malgré la gène. Avec elle, je n'ai vécu que des premières fois et j'en vivrai encore d'autres.


Les gens semblent tempérés. Le temps est tempéré. C'est une rue de petite ville tempérée, une rue qui était et sera une route et entre cette route, dans cette rue, il y a un restaurant ou deux restaurant mais comme si l'autre était plutôt un bar après les lignes jaunes qui traversent la rue. Je repasse devant. La terrasse ne désemplit pas. Un muret de brique et une courte volée de marche que je monte. Je me demande si les gens attablés sont d'ici, s'il y a des gens d'ici et s'ils sont aussi tempéré que leur ville. Ma vie, en gros, et encore jusqu'à présent ne l'a jamais vraiment été. Je ne dois pas avoir les gènes ou c'est dans les nerfs ou c'est parce que j'ai été électrocuté dans le ventre de ma mère. J'ai toujours eu le rêve de l'or. Celui des cités que l'on pille par le plomb et clui du plomb que l'on couve et que l'on réchauffe en buvant dans sa chambre ou dans des cafés. J'ai écarté les bras pour cet or et je me suis écarté la tête et j'ai mis sur celle de ma mère pas mal de cheveux blanc et dans son ventre pas mal d'angoisse. Ici, dans notre route, je vais essayer de ne pas trop m'éloigner, de ne pas trop me distancer ou pas trop longtemps et de rester là, le plus possible, là avec elle, en me tenant la tête dans les chevaux qu'elle me tire dans tous les sens en me répétant quand il le faudra : "Ne t'énerve pas contre ta mère".


La première fois que je suis entré dans un bar pour y boire, ça devait être ke Churchill Pub, à Rolle. Je ne fumais pas encore à cette époque-là, pas de cigarette en tout cas. Mais ceux qui m'ont vraiment marqué comme les premiers bars à boire vraiment, c'étaient le Pub de la Gare, à Nyon et l'Acropolis de Costas, à côté du gymnase dit du CESSOUEST. Là on y jouait et y riaient après les cours ou à la pause de midi et on marquait à la coche les pintes bues pour la gratis et la gloriole. Depuis, je ne compte plus les portes passées, les tentatives et les fidélités. J'ai passé plus de temps dans les bars qu'à baiser, plus de temps qu'à draguer, plus de temps dans les bars, seul qu'accompagné. Le tempéré que je quitte en entrant dans le Bodie Mike's qui fait plus bar que le Nicely's, c'est le tempéré de la ligne tendue, le tempéré des funambules, d'Aristote. Je n'attend pas une folie, une excitée en entrant dans ce bar, je ne cherche ni la furie, ni l'enthousiasme mais le tempéré vague, le tempéré flou, indéterminé de Pascal. L'obscurité se fait contre la lumière de dehors dans le jour qui se plie. Le bar-restaurant est tout en longueur et s'avase au fond en salle à manger. Une langue noire vers un gosier noir avec des néons qui font comme la lampe d'un ORL.







































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