11.18.2015

Haïku de route-92/ Keep going






















La vie se relève et elle a bien dormi. Elle a versé le reste de Lite dans les fleurs et les mégots dans les canettes et les canettes dans un sac en plastique dans la poubelle de ma chambre. Elle est entrée doucement et a longé le lit de ma mère qui dort et le livre sur la table de nuit fermé et pas écorné. Elle est entrée dans l'autre chambre en fermant encore la porte doucement et elle est allée se laver les dents et les vêtements sur la tringle qui ne sont pas encore tout à fait sec. Elle s'est déshabillée et est restée torse nu. Elle a défait les draps. Elle est partie très vite et maintenant, elle est là. Il est 5h30. Je garde les yeux fermés pour garder les rêves. Je reste dans la chambre noire jusqu'à 6h15 à reprendre les images, à les remettre, à les développer et à les replacer dans le fil, les yeux toujours fermés pour ne rien perdre et surtout éviter de les transporter avec moi, les yeux ouverts dans la journée. Je suis toujours décalé. Aujourd'hui, on passe un col. Je suis encore collé et brumeux, je rabats les draps, mais je suis bien. Assis sur le lit, un temps, je sens que je suis bien. Je vais à la douche. Les vêtements sont secs. Je les enlève de la tringle et les jette sur le lit et je reste sous le chaud, dans la nuque, longtemps, avant de finir au froid et au fouet.


Ma mère émerge. J'entends les draps derrière la porte et la porte de sa salle de bain qui s'ouvre et reste ouverte. Je m'essuie le corps. Les linges sont propres. J'enfile un des caleçon que j'ai lavés dans la douche de Barstow. On a toujours cette impression d'être si bas, on comprend pas les mètres, les pieds inscrits sur la carte. On n'y croit pas. Je mets mon pantalon beige en toile légère qui laisse les mollets nus et une chemise clair. Je range déjà mes vêtements, je les plie et les pose dans ma valise et le livre qui est resté fermé. Je débranche le chargeur de l'ipad, je le range dans la valise, je range l'ipad dans la valise et j'ouvre ma porte. J'entends sa douche. Je sais qu'elle voudra un café. Je sais qu'elle a besoin de son café du matin. C'est l'acte du réveil, comme moi ou moi comme elle. On en prend un grand. J'ai toujours ce mouvement qu'elle a, elle aussi, même vaseux, pas encore là mais en automate. Elle, elle nettoie la cafetière italienne le soir et sépare les éléments et ils sont prêts pour le matin, à remplir d'eau et de café et à assembler. Moi je laisse tout. Et le matin, je démonte, je vide le reste, je rince et remplit et remonte la machine. C'est notre mantra. Je sors vers les fleurs et j'allume une camel en faisant trois pas sur le parking. Une porte s'ouvreplus loin, au bout. Le vieux couple sort. On se salue de loin. Ils ont l'air réveillé, déjà, parfaitement. Je m'étire. Je regarde vers la pente. La nuit a plié et c'est maintenant le jour qui se déplie et le ciel qui sera bleu et qui prend là-haut comme le soleil prend le jour et ce sera alors une belle journée.


Mes muscles ne suivent rien. Je n'ai pas encore fait une seule série de pompes, pas une seule série d'abdos, que des étirements comme un chat crevé. Je ne me suis pas arrêté pour respirer, je veux dire, pour respirer vraiment, pour se sentir respirer, réaliser quand ça vient et quand ça part, comment ça descend et comment ça remonte. Je ne crois pas que ma mère fasse ses exercices non plus. Je sors tôt, faire trois pas, fumer, voir les mails ou marcher comme à Inglewood. Mais je n'ai pas l'impression qu'elle les fasse alors que, quand je vais la voir en Suisse, après son café, elle bouge et s'étire pour tenir le corps. Je crois que ni elle ni moi ne cherchons à tenir notre corps ici ou peut-être simplement que l'on n'y pense pas, que l'on a trop d'autres choses à penser, que le temps là est trop court et qu'il est alors trop précieux pour en accorder à notre corps. Je me masse la nuque. Elle tend un peu. J'ai dû dormir un peu cassé. Le rêve remonte. Les gens sont trop nettes. Je rallume une cigarette, ma valise est faîte et j'ai sacrément faim. J'ai toujours été une crevette. Avec mes cheveux longs, fins et filasses à mes 14 ans on m'a appelé "spaghetti". J'ai toujours été un sac d'os endurant, une peau collée aux os, les côtes saillantes. Comme la fin du monde n'est pas loin, je me suis mis, il y a quelques mois à me soulever, à sautiller, à me sentir souffler. Je me suis dit un jour qu'il y aurait bien un moment où il faudra avoir un corps. C'est si beau de commencer, si héroïque, commencer c'est toujours un statut facebook. C'est continuer qui n'intéresse personne. Continuer qui achève toujours. Continuer. Mais pas aujourd'hui. Là, j'ai faim.



































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