11.01.2015

Haïku de route-84/ Lee Vinning


















Je prends la 3rd Street vers la 395. J'ai éteins ma cigarette et laissé le mégot sur le rebord de la fenêtre. J'aurais pu le mettre dans ma poche et le jeter plus loin. Des gens sont attablés à la terrasse du Bodie Mike's, on sert encore à manger au Nicely's. Je continue. J'irai peut-être boire un verre plus tard. 4th Street. Il faudrait que j'écrive une ou deux cartes. Il faudrait que j'achète quelques bières. Je m'arrêterai au Mono Market en revenant. Merde c'est déjà la fin du bled. Je pourrais descendre derrière le Yosemite Trading par Lee Vinning Creek Trail, dans les arbres pour rejoindre le lac. Mais je crois que ça suffit. Cet endroit n'est pas fait pour y vivre. Un autre trou, une chatte perdue, un autre nulle part, une interzone sur un lac de mort qui donne la vie. Deux restaurants, je crois, pour les passants et un bar pour boire l'ennui, des boutiques de souvenirs, le poids derrière de la montagne qui s'en vient et la descente vers 700'000 ans de surface plane et bleue et la tranchée de la 395 qui fait la veine et Lee Vinning comme un caillot où s'arrêter pour s'ouvrir vers le col.


Je traverse la route. On est loin des échangeurs de LA. J'entre dans le Yosemite Trading. Je salue. On me salue. Des enfilades de tissus, du matériel de treck, des trucs qui ont l'air chaud et confortable, des traditions indiennnes et des trucs sous verre, plus chères. Je cherche les poignards. Je regarde les lames indiennes, les faux-vrais ou l'inverse. Le petit a déjà un couteau inuit et un simili glaive étrusque pour sa collection. J'hésite. Il y a une autre histoire à touriste. Et je peux revenir plus tard, même demain. Je regarde les étals de pierres. Elles sont belles. Mais j'aurais dû en ramasser une au bord du lac. Le petit aime les pierres, les caillous et j'aime le petit. Il n'y a pas de musique. C'est rare. Je peux jouer les miennes dans ma tête. Je suis flou. Je marche flou. Je marche dans l'interzone de l'interzone. Je vaque. Je suis dans ces moments où il est impossible de prendre une décision, dans ces moments des carrefours où je ne sais jamais où aller, où tout se vaut, gauche, droite, cette rue, cette rue, ces moments que j'ai déjà raconté, ces moments où je n'achèterai rien, où je sais que je devrais sortir, où je ne sors pas, où je sors pour finir et pour finir par aller où?


Je traverse la rue. Dans le Mono Market, il y a de la musique. Un jazz impeccable. Pourquoi pas? Je sais ce que je veux. Le plafond est bas. Les produits étrangement variés, étrangement comestibles, étrangement attractifs. USDA Choice Beef, Fresh Produce, Real Beers & Fine Wines, Looney Bean Coffee & Espresso Drinks, Freshly Baked Pastries, Natural Foods, Hot Soup & Cold Sandwiches, Mexican Staples, Deli Meats & Cheeses, Frozen Foods & Ice Cream, Bulk Nuts & Trail Mix, Health and Beauty Aids, Office Products, Pet Products, Camping Supplies. Je regarde, curieux, je ne prends rien de tout ça. Je prends deux Lite d'un litre et je vais faire la queue. Il n'y a presque personne. Je dis au vendeur que la musique est parfaite. Il sourit. Si les zombies arrivent, je m'arrêterai ici. La première fois en Californie que la quantité passe après la qualité. Au moins, ils essayent. On dirait que ce sont les nulles parts de la Californie qui en montrent  des semblants de vie. L'Amérique discrète des trous noirs absorbera l'Amérique flashy et fancy qui fait tant bander l'Europe. Le monde est mort. Ce sont des trous noirs, des tout petit trous noirs de vie, de joie, des trous noirs lents, des trous noirs en expension lente qui finiront ce monde, ce pathétique monde qui balance entre dieu et le capital du rien.






















































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