11.28.2015

Haïku de route-95/ Leaving Lee Vinning























Il va être temps, la journée va brûler. Elle est droite sur la carte, mais elle doit d'abord monter et puis ensuite redescendre et toute en courbe. Ma mère à l'air en forme. Elle a l'air d'avoir aimé le lac et la sieste et la journée entre les mondes et le petit-déjeuner de ce matin, la rencontre et les mots, les souvenirs et le style de Lloyd et Jeddie comme un rappel d'elle et de ceux d'elle d'avant. Je check-out à la réceptionniste jolie et ookie-dookie et je rejoins ma mère qui m'attend à l'entrée de la route, dans la Ford et les valises dans le coffre sans plus de fruits pour y pourrir. On a toujours de l'eau, les jerrycan sont vides mais on va vers le moins chaud, deux bouteilles suffisent. Je déplie la carte sur mes genoux. Nous prenons à gauche, remontons d'où l'on est arrivé sur la 395, roulant d'abord la rue principal puis sur la route, les quelques pauvres miles qui nous sépare de Tioga Rd, le col fermé en hiver. J'avais fait attention à l'aller, hier, en arrivant, de vérifier qu'il était bien ouvert. Il y a des saisons sans saisons et on est à fleur de mois et les surprises elles arrivent, ça fait une vie et des détours bien longs. Je ne suis pas retourner pour le couteau pour le petit et le bijou pour ma femme. On passe devant. Aucun regret à avoir. Ce sont des choses qui viennent comme ça. C'est toujours évident un cadeau. Si on commence à réfléchir, c'est que c'est pas lui. Je regrette quand même de ne pas avoir pris un caillou près du lac, pour la collection...


Utility Road qui s'enfile vers le haut, on approche de l'entrée. Je m'amuse à faire peur à ma mère, "et si le col est fermé?". Mais ça ne marche pas, je lui avais dit hier qu'il était ouvert. J'avais oublié. Mais s'il avait été fermé ça aurait pu nous faire l'aventure. Comme dans tous les poncifs vrais, ceux qui disent que le voyage, c'est le voyage, le but de la route, la route et que tous les plans, tous les objectifs, tous les arrêts prévus, programmés, réservés ne sont, en fait, que des pourquoi pas, des en-passant, des assurances pour des si-jamais, de simples petits points qui meuvent ou le peuvent, des petites choses éventuelles et qu'il n'y a ni contrainte, ni interdit, ni attente, ni déception, ni de réalité autre que la terriblement plate et lisse réalité de la route et des cols éventuellement fermés. Il n'y a pas d'avions pour l'aéroport, la route qui y mène est presque cachée. Le bitume est beau. J'ai dormi sur des beaux bitumes dans des nuits de stop. Il tremble doucement. On dort en vibrant la route. On dort bien. La route est autant pour la route que l'art n'est jamais pour l'art. Un x pour un x n'est pas un y pour un y. Mais c'est vrai qu'on aurait été bien déçu si le col avait été fermé.


Paysage d'un retour de route. On change de perspective et voir, un temps, ce que hier notre dos voyait et là, pour notre dos, l'arrivée de hier. J'ai fait autant de kilomètres que de litres d'errance, en concentré entre les murs des banlieues larguées des villes et j'ai toujours détesté revenir sur mes pas. Longtemps même, je me l'étais interdit; Ne jamais revenir sur ses pas, ne jamais remonter la rue qu'on avait descendue. Si on hésite, si on se demande si c'est une bonne idée, si c'est fermé ou moche, bloqué ou ennuyeux, si ça semble mener nulle part, alors on bifurque, on continue, on tend à gauche ou à droite, on prend un perpendiculaire et s'il faut remonter, on passe par les parallèles, mais on ne revient jamais, jamais, jamais en arrière. Un géographie physique d'une géographie de l'éthique. On ne revient pas en arrière. Même quand on vit dans le passé, qu'on vit ailleurs, là-bas, on ne revient pas sur ses pas, on ne revient pas sur ses gestes, ni sur ses actes, on ne revient pas sur ses mots et chaque rue prise, chaque route empruntée comme métaphore d'une seconde accomplie et assumée, la seconde d'un présent toujours passé pour un futur comme une somme de présent. Revenir sur ses pas dans une rue de Mala Strana, sur l'avenue qui mène à la gare de Beograd, revenir sur ses pas sur la route du lac entre Nyon et Rolle à 3h du matin, c'était accepter le regret comme un possible de vie, une éventualité à supporter et devant laquelle plier, le regret et le remord même et que si les perspectives devaient ou doivent changer, elles ne le peuvent jamais à 180°.






















































































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