11.28.2015

Haïku de route-94/ Paint it Black
















Voilà. Lloyd et Jeddie nous invite à manger chez eux, si on le temps, à Santa Rosa, au nord de San Fransisco. J'ai fini mes oeufs. On boit le café. Ma mère a l'air de bien les apprécier. Il n'y a pas que chez soi qu'on est seul, seul dans le train quotidien, le métro quotidien, l'appartement et le palier d'un autre appartement, d'étages seuls en étages seuls, seul à se parler seul en passant les profiles de gens aussi seuls que nous. Ce n'est qu'un effort parfois et encore, en tombant le bon jour qui réduit la distance qu'augmente la densité de population. L'autre des villes, à force de tellement nous ressembler en devient tellement insipide, tellement banal, tellement normal qu'il n'y a plus que facebook, instagram, twitter et le reste des moments du faux pour le rendre excitant. Lloyd et Jeddie ne sont pas excitants. Ils ont passé la porte que je tenais et nous nous sommes proposés, alors qu'il y avait deux tables de libre, alors qu'il était parfaitement possible d'être parfaitement normal et de manger, comme vivre, séparé. Non, Lloyd et Jeddie ne sont pas excitants. Ou alors ils le sont pour ce truc anormal où, assis autour de la même table, on échange des mots et une adresse, même si on sait que nous n'irons pas, qu'ils savent que nous ne viendront pas. J'écoute un temps qui aurait dû être mon temps, un temps qui était celui de ma mère et avec des noms qui eux, n'ont pas de temps.


Je m'abstiens de fumer. Je me tiens bien. Je me tiens comme je voyais mon père se tenir et ma mère et leurs amis et les réunions d'amis de mes parents et la famille de ma mère et les réunions de famille de ma mère et le maintient, un peu précieux, juste bien. Un artificiel devenu naturel, un artificiel fait pour un réel que j'ai vécu, en m'ennuyant et en observant, un artificiel devenu réel, une éducation. Le réel que nous vivons là est comme un réel échappé du réel d'aujourd'hui. Ce réel du même, le réel urbain du même, ces gens qui sont moi, vaquant dans des gares identiques, des aéroports identiques, dans des rues marchandes identiques pour des magasins identiques. Tout un monde identique; cette photocopieuse de la réalité où l'original est la copie et qui m'emmerde à te voir toi comme un je avec des trucs qui devraient me faire du bien. Facebook, instagram, twitter, tout le virtuel, ne sont pas nés de la technologie mais de l'ennui désespéré des villes du désir sans fin. Lloyd et Jeddie, juste après que nous sommes allés au comptoire, rallonger nos cafés, nous ont invité chez eux, à Santa Rosa, au nord de San Fransisco, pour manger et boire des vins de la Mapa Valley. C'est comme d'habitude, le voyage, l'ailleurs, n'importe lequel, le mouvement réalisé et non subi qui nous redonnent du goût et nous créent un intérêt, ne serait-ce que temporairement, un petit intérêt provisoire, mais suffisant pour ne pas devenir totalement insensible.


J'ai vu des groupes bien sûr, sur scène, même des bons. Neubauten, John Cale, Israel Vibration, Grant Lee Buffalo, même les Stones avec Poil à Zürich et plein de beuh. Mais comme le bus était passé depuis longtemps, je me suis beaucoup branlé au regret, beaucoup excité sur des noms, des sons que je ne verrais pas. Et pendant ce temps j'ai raté à peu près tout ce qui pouvait, devait, était bon d'aujourd'hui, rêvant fort d'un avant comme d'un ailleurs et d'un inatteignable tellement confortable tout en gueulant bien lourd "ICI" et "MAINTENANT" mais vivant là-bas et avant comme un connard de religieux à rebour. Et maintenant que je vis maintenant, dans les villes de l'ennui et du désir, j'aimerais être puissant, j'aimerais le tout qu'on me propose, puissant comme j'aurais pu l'être, puissant comme un adolescent et puissant maintenant et tout de suite et sans effort, surtout sans effort, mais c'est encore un autre ailleurs, un autre là-bas, un autre inatteignable bien confortable, un autre impossible que je me mets dans le lards pour ne rien faire. Merde... Moi qui pensait que le lac et l'air et la lumière m'avait un peu calmé... Lloyd a vu les Doors sur scène par exemple, quand il n'était pas connu, à la Highschool. Dans ses yeux, c'était déjà bien. Moi je vois le monde en entier comme un miroir où je ne suis jamais là.












































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