11.12.2015

Haïku de route-90/ An hungry man is an angry man






















Bon. On ne vas pas s'énerver. Je n'ai pas faim, je n'ai pas faim. Il n'y a pas mort d'homme, ça passe souvent, ça se passe souvent, c'est presque régulier et ça me prend parfois des journées entières, parfois des journées entières sans même y penser, en oublient complétement mon ventre ou plutôt, lui m'oubliant totalement. Parfois c'est parce que je n'ai pas le temps, parce qu'aux heures à manger, je suis pris, je bosse, je suis entre un truc et un autre ou parce que je pense à autre chose. Parfois, j'y pense mais sans avoir envie, sans que quelque chose en particulier me fasse envie, parfois je n'ai juste pas envie de cuisiner, de prendre  le temps de cuisiner et je n'ai pas envie de manger un truc surgelé au micro-onde ou du pain avec un truc et je préfère ne rien manger que manger un truc comme ça. Parfois je n'ai juste pas envie de m'arrêter quelque part ou juste pas envie de dépenser de l'argent pour manger  comme si 4€ de bouffe était plus chère que 4€ de bière et parfois je préfère juste remplacer l'un par l'autre. Il faut bien dire que parfois boire vaut bien mieux que manger et qu'être au restaurant seul vaut moins qu'être au bar seul et que le bar seul nourrit différemment que le restaurant seul et comme c'est la tête qui tient tout et que la booze tient la tête qui tient tout, on délaisse le ventre qui ne retient rien et que ce que chie la tête est toujours plus dense que ce que chie le ventre.


Dès fois je pense que ma mère me prend pour un tonneau sans fond. Elle me voit quand je viens à la maison, quand je venais à la maison, quand j'ai vécu à la maison quand papa se pissait dessus et qu'elle tenait le lit à rien voir de bon ni devant, ni autour et que j'étais entre le squat et l'hôtel chez emma Pittier, quand j'étais juste de passage, de retour de Berlin ou du Caire ou de Prague ou les week-end quand je vivais au 10 bis, dans les intervalles et les zones qui avaient perdu tout le tiède qu'elles pouvaient donner. Elle me voyait; elle me savait. Je bouffais comme quatre, à chaque repas, me bouffant la panse sans prendre un gramme, un tonneau sans fin de nourriture et un tonneau sans fond parce que le repas s'accompagne de vin et qu'avant le repas, il y a toujours le rythme de la vigne même quand on est pas dans la vigne, mais dans les études et qu'il y a l'apéro et qu'après le repas c'est la goutte et ainsi pour chaque repas et ensuite, pendant le soir et pour la nuit, le plus loin possible et comme ça le lendemain, recommencer sans différence particulière entre lundi et samedi. Et quel est le problème tant qu'on se lève, tant qu'on peut se lever et aller là où on doit aller et faire ce qu'on a à faire et le faire bien? Et quel est le problème quand on ne crie sur personne, qu'on ne se bat pas dans la rue et qu'on ne frappe pas ceux qu'on aime mais juste nous, tout seul, de temps en temps.


Quand mon père était au lit, entre un repas et un autre et ma mère au lit entre rien et rien et que l'infirmière n'était pas encore là et que tout était fait, je m'asseyais dans le fauteuil qui se basculait sur des crans, dans le sombre et je regardais les jeux olympiques d'hiver et j'empilais les canettes de Kaiser vides au pied du fauteuil et je laissais passer le curling puis le biathlon et le hockey et les autres sports. Parfois je jouais à Gran Tourismo en fumant de l'herbe pour passer la pensée et le remugle. Alors on ne va pas s'énerver. Même si en voyage j'ai tout le temps faim. Normalement. Mais là, non. La station Shell raconte ses néons et la fatigue me plie comme la nuit dépliée a plié le jour. Je retraverse la route. C'est le noir maintenant. J'ai les yeux qui tiennent encore et deux Lite dans un sac en plastique. La Belgique est dans le jour. Je n'irai ni au Nicely's ni au Bodie Mike's. Je regarde si mes vêtements sêchent sur la tringle de douche. Je regarde dans la salle de bain de ma mère. elle se prépare dans le néon du lavabo. Elle est en pyjama, se regarde dans la glace. Elle a déposé ses boucles d'oreille sur le rebord de l'évier. Je prends les bières et l'i-pad et je ressors en fermant la porte. Je m'assieds sur le banc devant notre chambre, en face des fleurs et de la Ford. Sur la droite la noirceur de la montagne, plus noir que la nuit du ciel. Un bon Candy Crush et je sirote en fumant, avec ma femme sur facebook.





































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