3.08.2012

la grammaire est sexy/2 La naissance du temps

Si elle ne servait qu'à décrire une langue n'en serait pas une et un geste, des gestes, des cris ou succession de cris, des panneaux indicateurs suffiraient amplement.
On a l'air assez idiot avec l'image d'une pomme par exemple, sans savoir quoi en faire.
Un mot en lui-même, isolé, comme perdu, ne signifie strictement rien. Et même hors de la phrase, il reste bien nu, sans au minimum deux locuteurs pour se le partager, deux locuteurs ayant en commun une référence relativement similaire (que cette pomme ne soit pas une poire).

A l'extrême-naissance d'une langue, il y a cette nécessité devenue vitale, cette urgence d'organiser des choses éparses, de faire interagir l'image que l'on se fait de quelque chose avec cette chose elle-même et de transmettre cette impression, tant bien que mal à un autre potentiellement intéressé.

La langue en quelque sorte se trouve alors être la marque d'une frustration du dire, le besoin d'évacuer de notre tête quelque chose qui y prend trop de place, un tue-solitude en somme.

On pourrait aussi l'imaginer, non comme la naissance de l'action, mais le besoin d'échanger cette idée de l'action. Un incapacité à agir seul, la mise en commun d'un projet.

Une société peut très bien vivre et survivre avec un langage limité. La langue elle, devient alors une portée et au-delà de la portée un rappel, une transmission, non du savoir, mais de l'erreur.

Oui, des actions simples peuvent toujours se traduire au moyen de ces mêmes cris et gestuelles, comme des fonctions attributives (la pomme est bonne) ou possessives (j'ai une pomme, c'est ma pomme) s'en suffisent aisément.

Mais ce n'est que lorsque l'action quitte l'immédiate nécessité, sa présence plus ou moins proche, que son dire nécessite une complexité nouvelle.

Se projeter. Préparer. Rappeler.


Le temps avant la langue n'existait pas. Il est pure invention des sociétés hominidées qui l'ont créé pour sortir de l'éternité, pour se faire au monde, se construire et tuer la mort.

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