3.20.2012

Nouvelle/12 les déplacés

Il marche au rythme de la musique et ne s'attarde sur rien.
Elle n'est pas là. La matinée est avancée, elle pense ailleurs, elle se concentre à ne rien entrevoir.
Ses yeux se figent sur le rectangle fin de lumière qui translate sur le sol, le long du couloir, suivant le rythme du train. La barre glisse, le train vire, elle s'approche, s'allonge, puis revient. Et les immeubles de la banlieue proche l'absorbe avant que les passagers en sortie ne lui marche dessus. Elle revient par intermittence.
Il ne regarde ni le sol, ni les murs, ni les gens, ni le haut des immeubles, ni le ciel. Il sent se tendre le haut de ses cuisses, il n'accélère pas, ne ralentit pas, il estime trente minutes à trois kilomètres, un peu plus. Les objectifs n'ont aucun intérêt, la chaleur qui le trempe sous son manteau, il n'a même plus l'impression de respirer, tout est normal et fonctionne sans lui, autour de lui, en lui, hors de lui.
Elle rate son arrêt, la ville la prend, les tunnels d'une gare à l'autre, les façades, les disparitions et l'étirement de cette bande de lumière qui ne touche jamais son pied, ce soleil qui la tente et tend à elle, cet achèvement d'une si longue route où il y avait tant de vide pour ne parvenir qu'à rater ce pied-là.
L'espace entier, celui qu'on ne peut que penser et où tout adviendra un jour, cette attente et toute cette poussière qui se crève à s'unir, il remplit jour et nuit les distances, s'en foutant de l'entoure et des autres qui ne servent qu'à s'ennuyer, il marche pour combler les distances, combler l'univers. Lorsqu'il s'arrête c'est pour regarder les autres marcher, il compte les pas, marque les temps, il n'y a d'autre raison à vivre que de se déplacer et revenir.
Le temps passe, elle n'est pas sortie, la ville est finie, mais elle n'est jamais finie, toujours les ressorts du béton et les câbles en haut pour garder contact, elle entend le déplacement de lumière qui se réduit, malgré l'angle qui est juste. Elle n'a pas relevé la tête, elle n'a rien quitté, rien lâché, il n'y a d'autre raison à vivre que de rester immobile et laisser venir.

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