12.26.2015

Haïku de route-100/ Yo Bro!


















On pourrait toujours rester là, à plat et à rebord, en sortant souvent, contenté, donnant des consignes aux cailloux, colmatant les devoirs en les laissant glisser et faire toujours moindre, se réveiller tous les matins, le dos tourné à toutes les routes en construisant doucement et la veille et le rêve. Il n'y a plus de regard dur à avoir quand la pierre le fait pour toi. Je pense à mon frère. C'est Antoine. Et puis voilà. Il était venu voir Jo. Il avait fait le tour. Un autre. Une autre Amérique. Comment il aurait été s'il avait été là, avec nous et dans la route et sur le parapet de la Vallée de Tenaya? Comment on aurait été nous? a trois, dans un âge où on est enfin tous là. Il faut bien dire que l'on s'est raté, mais on était mal fait lui et moi. Ce n'est pas qu'une question de caractère, de cheveux blond ou de peau plus mate, il y a des différences d'âge dégueulasse. entre mon frère et moi, il y a 5 ans. 5 ans, c'est la distance exacte d'une main à l'autre quand les bras sont longs tendus et quand l'oeil en regarde une, elle ne regarde pas l'autre et lorsque tout va dans le bon sens, alors le sang même se sépare. Celui des jambes quand l'autre est déjà au coeur et celui du coeur quand l'autre monte une autre bière à la tête. Je suis entré à la grande école quand mon frère entrait à la petite et j'ai pris ma première cuite quand il est entré à la grande. J'étais déjà tellement ailleurs quand il a commencé son apprentissage à Lullier, moi au 10 bis et lui dans mon studio de la Rue St Joseph à Carouge. C'était tout bien fait pour se rater. Mon père et mon frère. Les deux. L'un en haut, l'autre en bas et l'inverse et l'un devant et l'autre vers derrière et l'inverse, deux profondeurs à plonger et toutes ces premières années où l'on ne se rend compte de rien.


On remonte dans la Ford, à l'extrême-droite du parking. Je commence à avoir un vrai creux. La voiture aussi. Antoine aurait pu prendre le volant et ma mère se serait reposée à l'arrière et nous, devant, on aurait pu chercher une station de radio et conduire les deux fenêtres ouvertes avant que maman ne nous demande d'en fermer une. Ou alors, on aurait anticipé et on aurait pris des discs comme quand il m'avait pris, un matin, à Berne où j'étais allé au bar de la Reithalle apporter une rose à Julie et qu'on avait dormi ensemble, en haut du lit superposé, habillés en amis. Je l'avais attendu en fumant une drum roulée et j'étais monté dans la camionnette Kodak pour redescendre en semble dans les petites routes de l'Oberland bernois en écoutant Bill Withers. En fait il faudrait un van, puis un bus pour un train pour chacun pouvoir transporter nos nôtres et c'est bien ce qui fait que l'on se résoud toujours, au final à voyager seul pour ne rien manquer, que rien ne manque, ni personne, puisque tout, de toute manière manque et que tout et rien, c'est du pareil au même. On y cherche loin dans l'autre des explications à mettre le ciel sous terre et à branler des huîtres et des farces de forces comme si tout était en-dessus, au-dessous ou par-devers nous, alors que les bras c'est tout ça et ces mains si lointaines des doigts tendus, ces mains des bras écartés, il suffirait, il aurait suffi d'en rapprocher les coudes, mais c'est tellement simple qu'on préfèrera tout oublier et monter dans le monde des tragédies pour rendre la réalité moins évidente et moins minable.


Barrières, murs, travées, arches, lignes longues simples et tirées de vie verte et d'épines, le ciel n'est plus qu'un ruban clair perpendiculaire au ruban plein de Snow Creek, puis Hoffman Creek et Porcupine et les rayons du soleil qui vont et viennent comme un essuie-glace d'ombres et d'éclats. On roule doucement sur l'asphalte de l'enceinte du temple. C'est bleu en haut avec rien dans le bleu et ce même bleu dans le ruban et quand il se met en drap c'est toujours le même bleu partout et j'ai beau forcer des yeux, je n'en trouve pas d'autres. Les falaises sont taillées comme si on y avait tranché dedans et des moignons comme de fruits gris ouverts et offerts et cicatrisés et, dans le loin, vers où on va, certains qu'on escalade. La Yosemite Creek coupe la Old Tioga Rd et les deux coupent la 120 vers Yosemite Campground Trailhead sous le pont avant le parking. On ne s'arrête plus. La grande boucle, tout le sang qui tourne de tous le corps du parc vers le coeur en bas. De boucle en boucle, sans nausée, la fin de matinée lente sous des ruban de ciel, un tonnerre vert et des trons au sol, on parle d'Antoine dans l'aine du parc, son tour du monde seul après la mort de papa, alors qu'il ne voyage jamais, son tour des frères, son tour seul des frères de papa. Comment on aurait été s'il avait été avec nous dans cette zone préservée où l'on peut voir l'ours ou des groupes isolés ou de simples solitaires, bien mis, bardés d'AS Adventures à se perdre des week-end le long des trails balisés dans un des grands Nulle Part de l'Amérique? Comment on  aurait été tous les trois dans la zone préservée de la Ford à boucler des boucles qu'on avait à peine entamée?

























































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